La presse face à la montée des réseaux sociaux
« Les réseaux sociaux sont mal partis pour prendre la place de la presse », dixit Franck Kpocheme, président de l’Upmb
Le métier du journalisme est en voie de disparition avec la montée des réseaux sociaux. C’est bien évidemment l’avis de l’opinion ces dernières années. Les populations notamment les lecteurs de journaux se contentent de l’information publiée via l’internet et autres outils de communication favorisés par la technologie. Ainsi, les réseaux sociaux joueraient désormais le rôle dévolu à la presse. Les acteurs des médias ne parviennent plus à contenir l
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| Franck KPOCHEME |
L’Informateur: La presse disparaîtra-t-elle oui ou non face à la montée des réseaux sociaux ?
Pdt Upmb : Si sous les cieux des inventeurs des nouvelles technologies, la presse écrite n’a pas disparu, pourquoi alors penser qu’elle va disparaître chez nous ? Et ces pays continuent par faire paraître régulièrement leurs journaux. Je crois que dans le contexte du Bénin, il y a que d’abord, tout le monde n’est pas sur les réseaux sociaux. Il y a toujours une frange qui va préférer aller prendre des informations dans les journaux. C’est également que dans le contexte béninois, les réseaux sociaux sont mal partis pour prendre la place de la presse.
Pourquoi cette position ?
Les réseaux sociaux ne donnent pas de vraies informations. Aujourd’hui, ils sont comme réceptacle de tout ce qu’il y a comme faux, d’invention et de supposition. Vous n’êtes pas sans savoir qu’on attribue des citations à un certain Robert Mugabé. Ça, c’est sur les réseaux sociaux. Vous ne l’avez pas encore vu dans la presse. Quand nous prenons les échéances électorales, les informations les plus sûres c’est d’abord dans les journaux même si les réseaux sociaux en parlent. Donc du fait que ceux qui animent les réseaux sociaux ne mettent pas des informations justes jouent toujours en faveur de la presse écrite.
Quelles sont les réglementations en vigueur au Bénin dans ce sens ?
Jusqu’à preuve du contraire, la loi sur le code de l’information ne reconnait pas les réseaux sociaux, les blogs et autres. La Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication n’a pas pour autorité de réguler les réseaux sociaux, elle s’arrête aux quotidiens et les conditions de création des sites sont un peu plus corsées que les conditions de création des organes de presse écrite. Vous voyez. L’information officielle se fera toujours par le biais de la presse écrite en tout cas pour aujourd’hui tant que les activistes des réseaux sociaux ne vont pas travailler à se professionnaliser. Ils ont la faveur de la loi à mon avis. La loi dit que tout le monde peut aller chercher l’information. On n’a pas besoin d’être journaliste avant d’aller chercher l’information au niveau de l’administration. Et même les lois sur la décentralisation prescrivent que n’importe qui peut aller au niveau des communes pour chercher l’information ou à vérifier telle ou telle information. Cela est renforcé par la loi sur le code de l’information et de la communication qui dispose que tout citoyen peut aller chercher l’information au niveau de l’administration.
Les activistes des réseaux sociaux peuvent-ils être considérés comme des concurrents des journalistes ?
Les activistes des réseaux sociaux, pour être de véritables concurrents de la presse doivent se professionnaliser en allant chercher des informations vraies. Mais malheureusement ils se contentent de diffuser les lus pour vous. Aujourd’hui, beaucoup de nos compatriotes ne lisent plus les réseaux sociaux. Les réseaux sociaux constitueraient de véritables menaces dès lors qu’ils vont se rendre compte qu’ils vont se professionnaliser sur l’internet. Et nous avons remarqué que du fait qu’il y a cette facilité, ce défaut du professionnalisme sur les réseaux sociaux pour écrire du n’importe quoi, certains journalistes exploitent ce canal. Nous avons dit non. C’est pourquoi en installant la mandature actuelle de l’Observatoire de déontologie et l’éthique dans les médias (Odem), nous avons demandé à ce tribunal des pairs d’aller auto réguler, de s’auto saisir des cas de journalistes qui vont écrire des informations non vérifiées sur les réseaux sociaux. Parce qu’ils ne peuvent pas écrire ces énormités dans la presse, ils vont se réfugier sur les réseaux sociaux. C’est une manière pour nous de nous rendre davantage professionnel et d’inviter les professionnels des médias à rester beaucoup plus professionnels pour que les consommateurs de la presse ne nous abandonnent pas pour aller vers les réseaux sociaux.
Que doivent faire les organes de presse pour être crédibles ?
Evidemment, il y a une préoccupation qui est là. Il y a que dans tous les cas, les réseaux sociaux impactent quelques peu l’affluence vers les journaux. C’est vrai mais on ne saurait conclure à la disparition de la presse. Dans tous les cas, il y a un certain nombre d’organes de presse qui ont commencé par s’installer en ligne. Cela n’a pas encore totalement pris mais nous serons obligés de dire aux organes de presse écrite d’avoir un site pour accompagner le journal. Ainsi, les informations peuvent être déjà mises en ligne au fur et à mesure. Ils ne vont plus nécessairement attendre l’édition complète qui sera publiée le lendemain. Certains journaux le font et c’est à leur actif. Ils ont anticipé sur l’influence des réseaux sociaux. Donc je crois que c’est la seule manière d’assurer la survie au cas où le professionnalisme serait de mise sur les réseaux sociaux.
Généralement les acteurs des médias minimisent les dangers dans un avenir proche si chaque promoteur n’envisage pas des mesures plus ardues. Quelles seraient donc les menaces qui guettent la profession du journalisme à l’heure actuelle ?
La première menace qui guette notre profession c’est les réseaux sociaux. Il y a également la question de la sécurité même sur le terrain, de ceux qui font la profession du journalisme. Nous ne nous sentons pas en sécurité sur le terrain. Le journaliste ne prend pas de risque même si parmi nous, sur les terrains belliqueux certains prennent de risque… le journaliste ne prend pas de risque. Il n’est pas un acteur. Il entend, observe. Mais néanmoins, nous avons besoin d’un minimum de sécurité et nous avons demandé que le ministre de l’intérieur et le ministre de la communication ensemble puissent voir dans quelle mesure assurer davantage la sécurité des journalistes sur leurs lieux de travail. Mais rien n’a été fait dans ce sens. C’est un problème important. Il y a également le problème de la rémunération des journalistes qui est quasi inexistante dans la profession. Il y a des organes qui ne paient pas de salaire aux journalistes pour pouvoir leur permettre de répondre à leur obligation en tant que père de famille, parce que le journaliste a également un foyer. Il y a la question de rémunération qui se pose. Du fait que nous n’avons pas de véritable entreprise de presse menace la profession. Il n’y a plus de personnel, il n’y a plus de matériel, plus rien. Les patrons de presse s’enrichissent au détriment des organes de presse. Tout ça c’est des menaces aujourd’hui pour cette profession.
Le manque d’accompagnement de l’Etat aux organes de presse est-il une menace ?
Le manque d’accompagnement de l’Etat aux organes de presse est une véritable menace. L’Etat devrait pouvoir nous accompagner à assurer la prise en charge. Lorsqu’un professionnel des médias tombe malade et doit subir une évacuation sanitaire par exemple… C’est des problèmes qui se posent. L’Etat devra également nous aider à asseoir une véritable assurance aux professionnels des médias, nous accompagner plus pour que nous puissions mettre en place un mécanisme, régler un certain nombre de problèmes sociaux parce que le journaliste joue un rôle social dans la société. Et bien on a dit que l’Etat assure l’information à la population. Et il a été démontré qu’aujourd’hui avec les seuls organes de presse que l’Etat a, il ne peut pas assurer l’information aux populations. Les dix millions de béninois ne peuvent pas avoir l’information à travers La Nation, l’ABP et les organes de l’audiovisuel, non. Il est indéniable que les médias du secteur privé aident l’Etat à jouer ce rôle. Donc en retour, l’Etat doit pouvoir avoir un œil bienveillant ; aider la profession ; mettre en place un mécanisme qui permet de payer un salaire décent, accompagner en tout le côté social pour ceux qui exercent la profession, d’assister ceux qui sont dans cette catégorie professionnelle sinon, c’est comme si l’Etat nous abandonne alors que nous jouons après tout le même rôle que celui de l’Etat.
Quelles sont vos exhortations à l’endroit des professionnels des médias ?
Oui l’exhortation, c’est de demander aux journalistes d’être professionnel. Un journaliste, c’est celui qui donne l’information vraie, qui est vérifiée. Que ce soit à la télévision, à la radio et dans les journaux, un journaliste c’est celui qui collecte, traite et diffuse l’information. Évidemment, le journaliste n’invente pas l’information. Il doit aller chercher l’information. Sur ce, les réseaux sociaux pouvaient constituer un réseau d’information. Il faut aller vérifier si c’est réel avant de mettre dans nos journaux. Je conseille aux journalistes de prendre tout ce qui se passe sur les réseaux sociaux comme des rumeurs. Maintenant quand vous avez la rumeur, vous approfondissez. Nous allons nous servir sans rejeter que ce qui se passe sur les réseaux sociaux c’est faux. Il y a parfois des informations réelles qui sont publiées. En tant que professionnel des médias, je prends avec pincette si je vérifie je peux l’exploiter dans mon journal, sur mon site internet et même dans mon blog.
Interview réalisée par Alexis METON

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